Marchand-père #3

5 juillet 2013 Par hugfon
Granville (corr)

Coll. Y VELOT.

La troisième carte postale aux Crucière (voir nos précédents épisodes #1 et #2) est une photographie de vacances, prise à Granville par le studio L MOULIN, et envoyée le 10 août 1908.

On y voit, endimanchés pour l’occasion, et posant pour le photographe devant la falaise (comme dans un studio) : les deux filles Marchand, qui tiennent une ombrelle à la main ; légèrement en retrait Marchand lui-même ; et derrière un rocher, Madame Marchand. Souriante, elle fixe le photographe tandis que les trois autres portent leur regard en différents points de l’horizon, selon une distribution commandée par l’opérateur. Au premier plan, au pied d’une des deux filles (la plus jeune, dirait-on), un seau de plage proclame le temps des vacances (il tient symboliquement la place qu’occupait le baquet de pommes de terres dans la photographie prise à la caserne d’Annecy). Des jumelles sont posées devant Mme Marchand qui a un pied sur le bord du rocher, pliant ainsi le genou sur lequel elle a posé la main. Marchand s’appuie, non pas sur une canne comme son épouse, mais sur une petite pelle de plage (vous pouvez cliquer sur la photo pour voir les détails). Outre cette distribution des regards et des accessoires, on verra aussi dans les postures, les gestes et, tout particulièrement, dans la disposition des mains tout l’art du portraitiste, qui reflète la façon dont sa clientèle souhaite se voir et être vue (noter les doigts de la main gauche de Marchand : une cigarette entre l’index et le majeur, et le pouce au niveau de la boutonnière, proche du gousset). Tous sont couverts ; on ne saurait se faire photographier nu-tête.

En villégiature à Granville, les Marchand, comme il se doit pour que les vacances soient parfaitement réussies, se font donc tirer le portrait en famille sur la plage, par un homme de l’art, pour envoyer à leurs amis sous forme de carte postale cette image d’eux, aisément reproductible. Se représenter au moyen d’une photographie fait partie, depuis la naissance de ce procédé mécanique, des usages (et aspirations) de la bourgeoisie industrielle et commerçante, qui souhaite fabriquer ainsi son image. L’essor de ce médium (qui a à voir avec l’industrie, ce n’est pas un hasard) a d’ailleurs accompagné son ascension sociale.

05-V

Coll. Y VELOT.

« Malgré les vents, la pluie, les tempêtes, l’air pur a été très profitable aux fillettes », écrit le père de famille au verso de la carte (ce dont témoigne en effet la photographie). Il ajoute qu’ils vont rentrer [à Montrouge] le 18 courant et qu’Alexandre, qui va bien, a annoncé dans un récent courrier son probable retour bientôt. « Nous aurons la joie, écrit-il, de le posséder alors ».

Nota Bene : Granville est devenue, depuis l’ouverture de la ligne de chemin de fer Paris – Granville (le 3 juillet 1870), une station balnéaire qui attire les Parisiens. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

Deux questions à nos lecteurs :

1/ Les deux filles Marchand sont celles par lesquelles la famille a pu se perpétuer. Leur portrait en jeune femme vous dit-il quelque chose ? C’est sans doute par elles qu’il y a une chance de retrouver trace d’Alexandre.

2/ Connaissez-vous le studio photographique L MOULIN qui opérait à Granville au début du siècle dernier ?

Je reproduis ci-dessous trois autres cartes-photos, particulièrement intéressantes, réalisées à Granville à la même époque par L Moulin :

L MOULIN 2

L MOULIN

L MOULIN3

À suivre : que sait-on au juste de la famille Marchand ?