« Obock ». Rimbaud, Soleillet et Jean-Jacques Salgon en Afrique

3 janvier 2018 Par hugfon

Aujourd’hui paraît chez Verdier dans la collection jaune le récit de Jean-Jacques Salgon, intitulé « Obock ».

 

C’est en exhumant une gravure d’un numéro du Journal des Voyages et des aventures de Terre et de Mer trouvé chez un bouquiniste d’Oran en 1973, image manifestement troublante qui avait déclenché chez lui l’envie d’aller cet été-là ressentir véritablement la chaleur des nuits de Massawa, que Jean-Jacques Salgon entreprend aujourd’hui l’exploration conçue en réalité quarante-quatre ans plus tôt : partir « éprouver la présence de cette chose à jamais absente : la vie véritable, l’existence physique d’Arthur Rimbaud ». Il se rend pour cela à son tour à Tadjourah et à Obock.

Quand en 1885 Rimbaud y passe une année presque entière (on se demande bien ce qu’il a pu y faire !), un autre voyageur, « explorateur commercial » comme il aime à se désigner lui-même, fréquente aussi ces rivages désolés de la mer Rouge. C’est Paul Soleillet, qui tente de se refaire une fortune, en démontrant que la France de Jules Ferry peut trouver matière à commercer avec l’Abyssinie, la riche Éthiopie des hautes terres, au-delà des déserts. Rimbaud, lui, se refait une vie. Sa vie. La vraie vie ? Il a renoncé, on le sait, à la littérature, ce qui veut dire aussi à « vivre de la littérature », projet dont la vanité insupportable lui a éclaté au visage quand il n’a pas su, pas pu, comme le dit Alain de Mijolla, porter la paternité de son livre, « Une saison en enfer » (publié, on s’en souvient, à compte d’auteur, et sans argent !). Ces deux-là donc se rencontrent autour d’un même projet, dicté par les circonstances, et qui doit rapporter, pensent-ils, beaucoup d’argent : le commerce des armes. Car le roi Ménélik est très demandeur et ce commerce, comme toujours, est certainement le plus lucratif. Mais pour Rimbaud comme pour Soleillet, plus fatalement, les choses tourneront mal, ou court.

Pour connaître ces histoires fabuleuses, aventures de terre et de mer, il faut lire le livre de Jean-Jacques Salgon, qui se dévore comme un récit de voyage. Mais aussi, et Jean-Jacques le sait bien, on ne peut parler sincèrement de Rimbaud qu’en parlant de soi-même, et puisqu’il a l’audacieuse vanité d’écrire, alors il ose cet « Obock ».