Alexandre Marchand, correspondant de « L’illustration »?

22 février 2013 Par hugfon

 

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Photographie Alexandre Marchand, coll. Yvon Vélot.

Cette photographie prise par Alexandre Marchand le 20 juillet 1912 montre le Dedjazmatch Tafari Makonnen (le futur Haïlé Sélassié) qui prend le train pour inaugurer les 85 premiers kilomètres de la ligne Diré-Daoua – Addis Abeba (voir le billet précédent). Ce cliché a été reproduit dans L’Illustration en 1912 (N° 3628 du 07/09/1912) avec le crédit « Phot. A. Marchand » et la légende : « Sur la voie ferrée de Djibouti à Addis-Ababa : à la station de Diré-Daoua. Aux fenêtres du wagon-salon, le consul de France, M. G. Perrot  ; à sa droite, le directeur de la Compagnie, M. Lanave ; à sa gauche, le ras Taffari, chef du Harrar ».

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On lit ensuite l’encadré suivant : « LE CHEMIN DE FER FRANCO-ETHIOPIEN. La construction du chemin de fer franco-éthiopien se poursuit avec une réelle activité, et l’on vient de livrer à l’exploitation une nouvelle section de 85 kilomètres entre Diré-Daoua et Bicket. Ce dernier point se trouve à peu près à mi-distance de Djibouti et d’Addis-Ababa. Le ras Taffari Makonnen, fils et successeur du ras Makonnen, chef de la province du Harrar, était venu présider à l’inauguration de la ligne ; il se fit présenter toute la colonie française par notre consul, M. Perrot, et durant les huit jours qu’il passa à Diré-Daoua, entouré de nombreuses notabilités abyssines, il témoigna du plus grand intérêt pour une entreprise dont l’achèvement aura une influence considérable sur l’avenir économique de l’Éthiopie. »

Voir le verso du tirage, (ajouté le 23/02).

Dans une carte postale envoyée à François Crucière le 18 août 1906, Alexandre Marchand écrivait à bord du Polynésien en route pour Saïgon (il vit alors et voyage en Asie) : « L’Illustration promet bon prix si photos d’actualité. On verra. Vous tiendrai au courant. »

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Carte postale adressée par Alexandre Marchand à son ami François Crucière le 14/08/1906, coll. Yvon Vélot.

Par ailleurs, un cliché doublon de celui paru dans L’Illustration a servi à réaliser une carte postale publiée avec comme seule mention : Collection L Gérard. C’est la sixième (et dernière) de la série des cartes représentant la visite du Dedjazmatch Tafari Makonnen à Diré-Daoua (voir le billet consacré au consulat de France à Diré-Daoua en 1912.)

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Coll. Jacques Trampont

Marchand cédait manifestement à certains le droit de reproduire ses images. Il l’a fait pour L’Illustration avec l’intention d’en tirer profit. A-t-il cédé aussi cette image à l’éditeur qui publie cette collection ? Ou bien en est-il lui-même l’éditeur, sous ce pseudonyme ? Nous verrons que d’autres images prises par Alexandre Marchand ont été reproduites dans cette série qui a pour sujet principal Diré-Daoua et ses environs, et qui circule dans les années 1911 à 1913.

Il serait intéressant de savoir où ont été imprimées ces cartes postales. On sait qu’à Diré-Daoua, à l’époque, en 1908 précisément, Mgr Jarosseau, l’évêque capucin de Harar, a décidé de transférer la presse que la Mission catholique des Gallas avait achetée afin de financer la léproserie. Ainsi se crée l’imprimerie Saint-Lazare des Capucins de Diré-Daoua, qui publie des grammaires, dictionnaires, vocabulaires et alphabets franco-éthiopiens, ainsi qu’une revue mensuelle : Le Semeur d’Éthiopie. Cette imprimerie offre aussi ses services à une clientèle de particuliers et produit notamment des cartes postales, comme celle-ci.

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Coll. Hugues Fontaine

Enfin, le laps de temps très court qui sépare les deux prises de vue sur le quai de la gare laisse penser que Marchand a utilisé un appareil photographique à film souple, matériel disponible à l’époque, doublant son cliché pour s’assurer de disposer d’une bonne image. Ce qu’il n’aurait pu faire avec la même rapidité s’il avait utilisé un appareil nécessitant de charger des plaques de verre. Le fait que nous disposions seulement pour cette image d’un tirage papier (numéroté V 677) et non pas d’une plaque de verre, comme c’est le cas de bon nombre des images de paysages ou de portraits posés, conforte cette hypothèse.

Ajout du 27 avril 2016 : Marchand peut fort bien avoir utilisé une chambre à plaques de verre avec un chargeur automatique, qui fait se substituer très rapidement une plaque a l’autre.

Alexandre Marchand, qui travaillait donc pour / avec (?) les compagnies de chemin de fer du Yunnan puis du Franco-éthiopien, était un passionné de photographie. L’examen de sa correspondance avec son ami François Crucière le confirme. Mais je ne pense pas, à examiner sa production, qu’il ait travaillé comme photographe professionnel pour l’une ou l’autre de ces sociétés. Il faut chercher plus avant dans les archives ; je le vois davantage ingénieur, géomètre ou topographe… Néanmoins, certaines de ses photographies ont été publiées, comme celle-ci, qui correspond bien à la définition d’une « photo d’actualité » et fait d’Alexandre Marchand, tandis qu’il vit à Diré-Daoua, un « correspondant sur place » de L’Illustration.

Enquête à suivre…

P-S : Francis Falceto m’écrit : « Ce que tu dis en relation avec la CP de L. Gérard est troublant en effet. J’ai une bonne soixantaine de CP de L. Gérard (une série numérotée et une série sans numérotation), toutes les oblitérations oscillent entre 1911 et 1913. »

P-S 2 : Wolbert G.C. Smidt me demande : « est-ce que tu aurais une explication pour le nom de lieu « Gotha » évoqué sur la carte postale ? Aucune idée ce que cela pourrait signifier ! ». Moi non plus !