Sans rouspétance

6 novembre 2013 Par hugfon

Le Djibouti 1901

Dans un récent échange avec Catherine Paoli, en commentaire de l’article intitulé Pionniers, je lui écrivais : « Les cartes m’intéressent aussi beaucoup, vous l’aurez remarqué, pour les messages qu’elles véhiculent, qui sont eux-mêmes traces historiques (certaines cartes ont été rédigées et envoyées par des employés de la Compagnie) ». C’est le cas de celle-ci dont je ne dispose malheureusement que de la deuxième. Nous sommes le 6 juin 1901, l’auteur de la carte écrit : « Comme c’est la Compagnie qui prend la Suite des Travaux [sic] jusqu’à Addis-Harar nous avons en ce moment beaucoup de travail mais l’on n’embauche pas à la Compagnie les ouvriers qui ont travaillé à l’Entreprise1. Je crois que si maintenant tu étais ici on ne ferait pas de rouspétance pour te donner un bon emploi. »

Le propos reflète la situation conflictuelle qui existe à cette date entre la Compagnie impériale des chemins de fer éthiopiens (CIE) et l’Entreprise Générale. Les concessionnaires, Ilg et Chefneux, ont fait signer un cahier des charges aux entrepreneurs des travaux, Duparchy et Vigouroux, en janvier 1896 (avant de créer la société d’exploitation du chemin de fer dont ils ont reçu concession). Mais dès 1897, Duparchy et Vigouroux ont cherché à résilier le contrat des travaux « parce que le prix forfaitaire, réduit par l’avenant de 1897, ne leur convenait plus. En effet, il réduisait le prix forfaitaire à 18 900 000 francs pour une distance de 225 kilomètres entre Djibouti et El-Bah ; le prix était ainsi ramené à 84 000 frs/km » 2.

Un autre intérêt de cette carte, et non des moindres, réside dans l’image de ce jeune garçon qui vend le Djibouti.

HF233

Coll. H Fontaine

Le Djibouti est un périodique publié entre 1899 et 1903 qui appartient à l’Entreprise Générale, chargée de la construction du chemin de fer. Ce qui fait dire à Rosanna van Gelder de Pineda que c’est « un organe publicitaire des entrepreneurs ». Son rédacteur en chef est Justin Alavaill, « originaire du Roussillon, comme beaucoup des agents du Chemin de fer » 3. Alavaill imprime des séries numérotées de cartes postales entre 1899 et 1903, dont les photographies sont réalisées par son fils Augustin. Cette carte en fait partie. De tout cela, je parlerai bientôt.

  1. Généralement nommée l’Entreprise Générale pour la Société d’Entreprise Générale de la Construction et des Travaux Publics, elle est formée par Alexis Duparchy et Léon Vigouroux en mai 1883 et sera liquidée en 1901.
  2. Rosanna van Gelder de Pineda, Le chemin de fer de Djibouti à Addis-Abeba, L’Harmattan, 1995, p 157
  3. Ibidem, p 218.