Alfred Ilg à Entotto
12 mai 2013Une carte postale publiée à Zurich, chez les Frères Künzli, montre la maison qu’occupait Alfred Ilg à Entotto. C’est probablement devant cette maison qu’ont été photographiés ensemble Ilg, Zimmermann, Appenzeler et Chefneux.
« Le cliché pourrait avoir été pris après le déjeuner. On a sorti quelques chaises devant la maison ; un des personnages grille une cigarette. Le petit groupe entoure un homme plus âgé, vêtu de la chamma éthiopienne, une toge de coton blanc que l’on porte drapée. À sa gauche se tiennent Alfred Ilg et Heinrich Appenzeller. À sa droite, Ernst Zimmermann. Tous trois sont suisses, arrivés en Éthiopie en 1879 à la demande de l’empereur Ménélik II qui voulait s’attacher les services de techniciens et de conseillers européens. Ilg est ingénieur, formé à l’École Polytechnique de Zurich. Appenzeller est menuisier. Zimmermann, mécanicien. Assis sur le muret, à droite de Zimmi, Léon Chefneux* fixe l’objectif de ses yeux clairs. Chefneux, tel qu’il se présente dans son dossier de la Légion d’honneur, est un « négociant français établi au Choa, Abyssinie méridionale ». Il a exploré le pays en 1878 pour le compte de la Société de Géographie. Il a accompagné Paul Soleillet dans son exploration commerciale de 1883. Alfred Ilg correspond avec Arthur Rimbaud, établi à Harar comme facteur de la maison Bardey d’Aden. Ilg et Chefneux parlent l’amharique, fréquentent les explorateurs, les marchands, les diplomates, les missionnaires européens de l’époque. Tous deux ont l’oreille de l’empereur, qu’ils conseillent. » (H. Fontaine, Un Train en Afrique. African Train, p. 31-32).
Qui peut donc bien être ce personnage central vêtu d’une chamma ? Taurin Cahagne, à qui l’on prête la rédaction de la concession accordée par Ménélick à Ilg ? Ou le Père Ferdinand ? Resterait aussi à identifier les trois personnages debout derrière le vénérable vieillard.
« Au temps des missionnaires français, Taurin Cahagne et le Père Ferdinand, installés d’abord à Finfinni, ensuite à Birbirsa, écrit Francis Anfray, c’est sur une colline du Wachacha que résidait Menelik. Le Père Ferdinand arriva à Finfinni le 26 octobre 1868. Dans le journal qu’il tenait de son séjour, à la date du 16 janvier 1880 on lit : « visite à Govana à Entoto. Visite à Mr. Hilg où je trouve M.Bianchi, italien arrivé depuis peu ». (Govana est probablement le ras Gobana qui avait sa demeure sur le Wechacha). 15 avril : « Visite de Mr. Bremont se rendant à Entoto ». 26 juin : « Église bâti (sic) à Entoto sur un monticule au-dessus de la maison de Mr. Hilg : Mariam ». 10 décembre: » Le roi doit bâtir une nouvelle ville du côté de Dildila, et laisser Entoto à l’abun ». Toutes ces observations ne laissent planer aucun doute : Entoto était bien le nom d’une région située au flanc du Wechacha. Menelik y avait sa résidence autour de laquelle se groupaient les gens de son entourage. »
Note de FA : « Alfred Ilg (et non Hilg selon la graphie de Ferdinand) arrive en Éthiopie, dans la région d’Entotto, au début d’avril 1879. Cf. C.Keller. Alfred Ilg, p.26. — II était accompagné de Zimmermann et Appenzeller, « lavoranti, meccanici », selon G. Bianchi (Alla Terra dei Galla ,1884, p. 228). Bianchi parle de la résidence du roi : « Sulla cima di un terzo sollevamento, di fronte all’abitazione dell’Ingeniere Ilg, è fabbricato il ghebi destinato à Menelik ». — « Una villagiatura », — « une fortezza scioana », — « il palazzo reale in Antotto ». » C’était en 1880. »
F Anfray, Autour du vieil Entotto In: Annales d’Ethiopie. Volume 14, année 1987. pp. 7-12.
- Léon Chefneux, né le 15 janvier 1853 à Piatra, en Roumanie, est en réalité Belge d’origine, naturalisé Français.
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Serge m’envoie ce matin (13 mai) ce portrait de Taurin Cahagne.
Voici un autre portrait de Taurin Cahagne.
http://arefe.wordpress.com/
Mme Kiki a eu 85 ans aujourd’hui. Bon anniversaire Angèle. http://www.africantrain.org/?p=765
[…] Une carte postale publiée à Zurich, chez les Frères Künzli, montre la maison qu'occupait Alfred Ilg dans le vieil Entotto. C'est bien devant cette maison qu'ont été photographiés ensemble Ilg, Zimm… […]
Peux-tu dater cette photographie?
Quelques européens sont passés à Entotto dans ces années là.
Arthur Rimbaud et Pierre Labatut de la Maison Bardey.
Paul Soleillet
Jules Borelli.
Des compatriotes de A. Ilg doivent aussi être présents, les représentants de la maison Dubail. (en 1909 Messieurs Chiffelle, Dubois, Vogel, Hediger). Messieurs Evalet, Faller, Baumgartner Trechler.
Alfred Ilg arrive à Ankober en début 1878 (il répond à une demande de Ménélik, qui transite par la société Furrer & Esher, établie à Aden. Ilg est accompagné de Zimmermann et Appenzeller.) puis, selon Keller cité par Anfray, il s’installe à Entotto (vieil Entotto, colline du Wachacha) en avril 1878. Ensuite, en 1887, Ménélik déménage sa capitale pour l’établir à Finfinne, qui devient Addis Abeba. Ce cliché a donc été vraisemblablement pris entre ces deux dates.
En feuilletant « Ethiopian records of the Menilek era : selected Amharic documents from the Nachlass of Alfred Ilg, 1884-1900 » de Bairu Tafla., Wiesbaden, Harrassowitz, 2000, je m’aperçois que Ilg a envoyé des lettres depuis Ankober en 1889 et 1890 notamment. D’autre part, la fondation de Entotto date de 1881, soit trois années après l’arrivée de Ilg en Ethiopie.
Le personnage à la chamma blanche pourrait être mon arrière grand-père Johannés Mayer, missionnaire protestant de Saint Chrischona, Suisse, qui fut otage de Téwodros II à Maqdala en 1868 où Ménélik était également captif. J’ai rapproché cette photo avec d’autres que je possède et la ressemblance est assez frappante.
Bonjour Makeda. Pourrais-tu m’envoyer une des photographies représentant ton aïeul ?
Henri AUDON écrit que résidaient à Entotto, à son arrivée – en compagnie de Léon CHEFNEUX – en juin 1885, outre les 3 suisses : Alphonse AUBRY, Alphonse HENON (qui allait l’héberger), ANTONELLI et le docteur ALFIERI, docteur de sa majesté.
Tout près, on trouve les missionnaires MAYER et GRAYNER ainsi que Mgr LASSERRE.
Or AUBRY, ANTONELLI (+ LABATUT et LONGBOIS) partent vers la côte en juillet 1885.
Avant juin 1885, CHEFNEUX paraît plus en voyage (plus ou moins avec SOLEILLET) qu’en villégiature au Choa.
CHEFNEUX quitte le Choa, fin février 1886, quand reviendra-t-il ? Début 1887, sur les pas de RIMBAUD ? Après le départ d’ILG et ZIMMERMANN pour la Suisse, mi 1887 ?
Une hypothèse plausible serait que la photo ait été prise, entre juillet 1885 (je ne reconnais ni AUBRY, ni ANTONELLI) et mi 1887. Alors les candidats européens pour la photo, outre le religieux, seraient : AUDON, HENON (Alphonse, le militaire- pas Jules comme il est écrit dans le dico BARONIAN !) et le docteur italien.
Circeto
PS : JJ LEFRERE et les associated libraires nous trouveraient bien un petit Rimbaud dans le paysage (celui qui aurait le poil brillant)
Bonjour Circeto. Avez-vous lu http://www.africantrain.org/seduits-par-une-vie-daventures ?
Hénon, c’est très probable ! Alphonse Louis Hénon, sous-lieutenant de cavalerie. Et non son frère, Jules, comme vous le dites, qu’Alphonse vraisemblablement a fait nommer secrétaire de l’expédition scientifique et commerciale conduite par Louis Auguste Brémond. J’étudie cette piste depuis un moment. Deux autres personnages font également partie de cette expédition : Alphonse Aubry et le docteur Hamon. Je ne connais pas de portrait de Hamon (d’Henry Audon non plus). En trouver résoudrait probablement une grande partie de l’énigme et permettrait de dater plus précisément le cliché : on connaît la date du retour de Hamon vers la France, qui voyage en compagnie de Labatut et Longbois. Il faudrait voir la tête de ces deux-là aussi.
Mayer, pour l’homme à la shamma, le plus âgé de tous. C’est très probable. Makeda Ketcham, après avoir écrit dans un commentaire à ce même billet qu’elle voyait une ressemblance « frappante » entre cet homme et son aïeul, n’a pas voulu m’en montrer de photographie… J’ai d’autres raisons de penser qu’il s’agisse de lui.
Je ne reconnais pas non plus pour ma part ni Aubry, ni Antonelli. Vous pensez, j’imagine, aux portraits conservés par la Société de Géographie ?
Le docteur italien, Alfieri ? Je ne le vois pas associé à ce groupe, mais cette possibilité n’est pas à exclure.
Votre hypothèse de fourchette juillet 1885-mi 1887 est plausible, mais je la verrai un peu plus tôt : entre l’arrivée à Entotto de la mission Brémond à l’été 1883 (peut-être Brémond lui-même, dont je n’ai jamais vu de portrait, est-il déjà en vadrouille dans le pays et qu’il ne se trouve plus avec ses compagnons d’aventure) et le départ de Chefneux en février 1886.
Cordialement.
Le bon indicateur est la présence de Chefneux. Celui-ci n’a pas passé sa vie au Choa; il était au service de Soleillet, qui pris son relais auprès de Ménélik peu après son arrivée en octobre 1882.
Soyons précis : comme il est écrit sur votre blog, Chefneux est arrivé dans les bagages d’Arnoux (mais pas en 77, comme il est écrit quelque part, non, ils arrivent en juin 1881). Et là – détail qui devrait amuser Jacques Desse (notre éminent spécialiste en rimbaldologie appliquée pile et face) – à peine débarqué, Arnoux est le parrain au baptême de la petite Porte/ Bidault de G – et il file, juste après la distribution des dragées, à Obock.
Et là tout se passe mal pour Arnoux, jusqu’à sa mort en 1882. Chefneux change de patron et offre ses services à Soleillet, qui l’envoie à la tête d’une caravane au Choa, en mars 1882. Il y restera jusqu’à l’arrivée du boss et redescend en novembre.
Point important, il ne reviendra au Choa que début juin 1884- pour repartir 1 mois plus tard, de mémoire le 7 juillet, avec Soleillet et quelques amis (Brémond, Franzoj).
Il revient ensuite au Choa, avec Audon, en 1885 pour n’en repartir que fin février 1886 (avec tous les missionnaires renvoyés vers leurs pénates).
Conclusion : Ilg + Chefneux ne peuvent être photographiés, à Entotto, devant la maison d’Ilg qu’au cours de 3 périodes :
– de mai à novembre 1882,
– juin et quelques petits jours de juillet 1884,
– de juin 1885 à février 1886.
Je prends les paris pour la troisième période(statistiquement c’est gagnant et le témoignage d’Audon est fort sympatique…sans compter que nos hommes étaient armés d’un appareil photo).
Circeto
PS : mais peut-être va-t-on nous apprendre que Révoil et son chef opérateur Bidault de G. étaient dans les parages (prêts à saisir un instantané d’un maudit poète en caravane)
Cher Circeto,
vous avez raison de faire remarquer que Chefneux n’est probablement au Choa qu’à partir de 1882 (et non depuis 1877, comme je l’ai supputé mais sans preuve en effet). Du moins pouvons-nous le penser à partir de ce que lui-même écrit dans son dossier de la Légion d’Honneur (mais cela, non plus, n’est pas une preuve définitive). Reste à faire un vrai travail sur les archives de ce Belge né en Roumanie. Le couple Chefneux-Ilg est en effet un très bon indicateur. Attention que Chefneux semble s’être déplacé beaucoup. La clé réside, je pense, dans l’identification des deux personnages debout à la gauche de Zimmermann. HF
Peut-être que le blond barbu assis, la main dans la poche (2ème à gauche), ne soit pas Ilg, mais Arthur Rimbaud. Les mêmes yeux bleus blancs des photos de 1871 et la même étonnante beauté. Et en plus, on sent que c’est la même âme…
Je crains que ce ne soit une fausse piste. D’autres portraits d’Alfred Ilg jeune, clairement attribués, montrent qu’il s’agit de lui.