Ménélik et Yassou dans la tribune du champ de courses
12 juillet 2014Éloi m’a remis hier mon exemplaire d’auteur du Lïj Iyasu dont j’avais annoncé la parution. J’en ai commencé la lecture. L’ouvrage qui rassemble les contributions de 14 chercheurs s’annonce passionnant. Certains textes sont accompagnés d’illustrations soigneusement légendées. J’en dirai plus après l’avoir lu entièrement.
En attendant, voici quelques images choisies autour de la photographie de couverture, qui évoquent plusieurs des sujets récemment abordés ici : la succession de Ménélik II, la production photographique de Jean Adolphe Michel, la diffusion dans la presse par Charles Chusseau-Flaviens de travaux de photographes établis en Éthiopie.
La photographie représente Lidj Yassou 1 vers 1912 « regardant une course de chevaux, assis sur le siège de son grand-père l’empereur Ménélik et portant les mêmes vêtements », dit la légende p III du livre. Ce qui est une belle allégorie de la parfaite continuité des structures de l’État telle que veut l’afficher le pouvoir éthiopien, alors que circulent les rumeurs d’une possible mort de l’empereur 2.
Voici celle parue précédemment dans la presse française (je présume dans Le Monde illustré, date pour le moment inconnue), représentant Ménélik.
Tandis que la santé du vieux lion a commencé de se dégrader à partir de 1906 et que le monarque a subi plusieurs attaques cérébrales en juin 1908, en septembre 1910 puis, la plus violente, en avril 1909 — qui laissera Ménélik plus mort que vivant — la question de la succession, préparée depuis plusieurs années, est devenue cruciale. Sans enfant mâle, Ménélik avait choisi pour lui succéder son petit-fils, Wäsän Säggäd, en dépit de son infirmité (il était de très petite taille). Il meurt en mars 1908 à l’âge de 23 ans3. Yassou est choisi par son grand-père pour être son héritier. L’annonce officielle en est faite en mai 1909.
À partir de 1910, Yassou, alors âgé d’une quinzaine d’années 4, s’émancipe peu à peu de la tutelle exercée par le Ras-Bitwoded Täsämma Nadäw 5 (qui décède le 10 avril 1911) et de l’influence de l’impératrice Taïtou, et il commence d’exercer le pouvoir. Au moment où est prise la photographie qui montre Yassou aux courses (1912 ?), Ménélik est sérieusement malade. Depuis l’attaque cérébrale dont il a été victime en 1909, il n’a pas réapparu en public. Il mourra en décembre 1913. Yassou s’installe donc sans transition sur le trône et dans les habits de son grand-père. Il apparaît dans la droite continuité du souverain.
Voici pour suivre un portrait de l’empereur fait dans la tribune du champ de courses de Janmeda, le même jour, au même moment que la photographie créditée Chusseau-Flaviens — et donc très vraisemblablement par le même photographe. On sait que Chusseau-Flaviens, qui diffuse dans la presse illustrée française des clichés que lui ont confiés des photographes, n’est pas nécessairement, en dépit de ces crédits, l’auteur des photographies au sens où on l’entend aujourd’hui. Il est plutôt le fondateur de ce que l’on considère comme la première agence d’illustration constituée en France.
Il s’agit d’une carte photographique éditée par la Société Française de Photographie, qui était établie à Rueil-Malmaison.
Signalons enfin cette carte éditée par JA Michel, de la série Édition AM. Addis-Abeba.
- Je continue d’utiliser cette orthographe francisée. ↩
- C’est le sujet dont traite l’article d’Estelle Sohier, qui est un condensé de son livre paru en français. C’était également celui de l’exposition dont elle assurait le commissariat et qui s’est tenu au Musée national d’Éthiopie, à Addis Abeba, et au Musée de Dessie (accrochage permanent) à l’occasion du séminaire sur Lij Iyasu organisé en novembre 2009. ↩
- J’observe selon les sources une différence de près de trois ans sur la date de naissance de Yassou. ↩
- Marcus, Harold G, The Life and Times of Menelik II, Ethiopia 1844-1913, Oxford, Clarendon Press, 1975, p.231. ↩
- Berhanou Abebe, Histoire de l’Éthiopie d’Axoum à la révolution, Édition Maisonneuve & Larose, 1998, p. 144. ↩