Point d’orgue
11 octobre 2013Le Rhinocéros express à l’arrêt dans une petite station du désert abyssin1.
Le mécanicien accroupi devant les roues de la machine, à demi dissimulé par les jets de vapeur, graisse les bielles et les cylindres. Un groupe d’hommes observent le spectacle du train à l’arrêt. Trois d’entre eux regardent vers le photographe, révélant ainsi sa présence et faisant de lui (aussi) le sujet de la photographie, au même titre que la locomotive, selon une symétrie qu’ordonne l’axe de la voie, véritable ligne de fuite de la composition. Le cadrage est soigné (branches et ombre de l’arbre, bâtiment au fond), rythmé surtout par la distribution des hommes autour de la machine. On attend, les mains derrière le dos. Le temps est suspendu, jusqu’au départ. Scandé par le halètement de la machine. Un temps indéfini. Avez-vous déjà remarqué combien, sur le quai d’une gare, une petite gare de préférence, la présence d’un train règle le temps qui passe ? Plus rien d’autre ne semble exister. Jusqu’au moment où la locomotive s’ébranle et redonne au temps sa liberté, celle de reprendre son rythme d’avant.
Un homme grimpe dans l’abri. C’est le moment que saisit l’opérateur pour déclencher son appareil et fixer à jamais cet instantané qui désormais peut durer, tel un point d’orgue, à la convenance du spectateur, le temps qu’il voudra. Le temps de l’arrêt du Rhinocéros express dans une petite station du désert abyssin.
Sur une deuxième photographie — un plan rapproché de la locomotive qui permet de lire son nom2 sur la plaque en bronze vissée à la chaudière —, le mécanicien, burette à la main, graisse l’embiellage. Le corps légèrement penché, le regard concentré sur son travail, la main gauche immobile, il exécute son geste avec soin, car il en va de la santé de sa Rhinocéros.
- C’est la légende que l’on trouve sous la photographie publiée dans l’ouvrage déjà mentionné Das ist Abessinien. L’Abyssinie telle qu’elle est (Wilhelm Goldmann Verlag, 1935). ↩
- inscrit en amharique (aouraris) et en français ↩
Merci à Jean-Christophe Courte pour ses précieux conseils, notamment sur l’insert de notes dans un billet.
Merci et Bravo Hugues pour ces documents et tes extraordinaires commentaires
Je suis ‘bluffé’ – superbe, la forme et le fond !
Amitiés Jacques
Bonjour et merci, Jacques, de ce message. « Le Rhinocéros express à l’arrêt dans une petite station du désert abyssin », c’est une phrase magique dans l’histoire de ce projet. Un point de départ et un programme pour l’imaginaire.
Hugues dommage que ce ne soit pas la loco anbassa (lion). Il y aurait des documents à présenter, le lion de Judah, le lion de Chaumette, les lions de Sidis Kilo……..
c’est vrai mais j’aime assez cette idée d’un « rhinocéros éthiopien ».
Découverte dans ma collection de timbres éthiopiens. Je viens de scanner la série émise à l’occasion du centenaire du CFE. Et à l’agrandissement, je m’aperçois que Bogale, le dessinateur éthiopien, a eu la bonne idée de choisir la fameuse Aouraris, la Rhinocéros.
Belle coïncidence. Et voilà que notre loco n’aura pas fait que des arrêts dans les gares entre Djibouti et Addis mais dans le monde entier !
L’intitulé en amharique se lit yietiopiana ye djibouti meder babour deredjet motogna hamat. Littéralement la traduction pourrait être : « Préparatif de la centième année du train terrestre éthiopien et Djibouti ».
Merci Serge, je vais faire bientôt un billet spécial présentant les timbres du Centenaire que tu m’as envoyés. Bien à toi.
Jean-Pierre Crozet, auteur du site http://www.train-franco-ethiopien.com, nous envoie la précision suivante :
Bonsoir Monsieur Magallon,
Toutes mes félicitations pour cette exposition et pour la récompense que
vous avez reçue. Une petite précision concernant le dessin d’une machine
vapeur sur un timbre. Si je m’en réfère à son numéro inscrit sur le traverse
avant (N°404), il s’agit d’une locomotive type 140 construite par les usines
SACM de Graffenstaden et dont le nom de baptême est Wello.
La locomotive que vous citez est une machine de type 130 construite par les
usines SLM de Winterthur en Suisse ; elle porte le N°5 et s’appelait « Rhinocéros ».
Très cordialement,
JPierre Crozet