Série « Addis Ababa »
22 juin 2016La publication dans ce billet de cette très intéressante image montrant le Pavillon de la Reine au palais du Roi des rois est l’occasion non seulement de s’interroger sur l’auteur de la photographie et l’éditeur de cette carte postale (une seule et même personne ?), mais aussi de visiter un ensemble de cartes dont la facture, la mise en page comme la composition des images, certaines caractéristiques techniques : l’existence de légendes et de titres de séries imprimés en rouge, ou la typographie utilisée au dos des cartes, permettent d’établir des rapprochements sinon des liens entre elles.
Ces cartes, outre leur intérêt propre, sont aussi, pour certaines, le support de messages qui concernent tant le chemin de fer que l’histoire de plusieurs personnages, comme Ilg et Toselli, dont j’aurai l’occasion de parler dans de prochains billets.
Il existe plusieurs séries de cartes avec des légendes rouges, mais je commencerai à rebours, avec un ensemble de 7 cartes, qui seraient les dernières que publie leur auteur présumé, du temps où il vécut en Éthiopie entre 1901 et 1918.
Car Jean Adolphe Michel, puisque je présume qu’il est l’auteur de ces images — manière d’engager le débat —, publiera ultérieurement une dernière série de cartes éthiopiennes, quand il sera installé en France, à Nice, au début des années trente (voir L’Abyssinie d’Autrefois 1, 2, 3 et 4), bouclant ainsi un parcours qui a commencé à Harar en 1904 avec la confection des toutes premières cartes postales illustrées réalisées en Éthiopie par un Européen.
Où ont été imprimées ces 7 cartes nommées « Addis Ababa » ? Je l’ignore. Il n’y aucune mention d’éditeur. On relève plusieurs fautes d’orthographe, et le nom de la capitale est écrit : Addis Ababa, ce qui est la version anglophone du mot.
À la fin de l’année 1906, Jean Adolphe Michel quitte Harar et s’installe à Addis Abeba. Il est nommé directeur des Postes éthiopiennes par Alfred Ilg, en remplacement de Mühle qui est mort de la petite vérole. C’est Ilg déjà qui avait fait venir Michel en Éthiopie en 1901, par l’intermédiaire de Brodbeck qui travaillait au Télégraphe à Bâle, pour remplacer Wullschleger, un premier postier suisse établi à Harar, qui s’était suicidé.
Les oblitérations connues sur les cartes « Addis Ababa » sont toutes postérieures à l’arrivée de Michel à Addis.
En outre, elles représentent des sujets manifestement photographiés dans la ville : Au marché ; Marché aux hardes ; Consulat français ; Marchants [sic] ; St Rakuel Antoto et Palais de l’empereur, dont il a été question dans deux précédents billets. Quant à « Dance [sic] des tueurs des éléphantes » (pourquoi éléphantes ?) dont j’avais déjà eu l’occasion de parler ici, cette carte ayant été envoyée dans le Pas-de-Calais par un membre de la mission Ozil, elle peut, sa photo, avoir été prise à Addis.
Une autre série de 9 cartes intitulée « Souvenir de l’Abyssinie » ressemble par sa facture et ses légendes rouges à la série « Addis Ababa ». Toutefois, les sujets photographiés comprennent des scènes qui ont pu être prises à Harar ou près d’Harar et certaines oblitérations, selon Ulf Lindahl, datent de 1905, donc avant l’installation de Michel à Addis Abeba. De ces « Souvenirs de l’Abyssinie », je parlerai une autre fois.
De même, j’examinerai d’autres cartes plus anciennes, légendées en rouge, explicitement marquées « Éditeur A. Michel, Harar » (18 cartes). Michel est depuis avril 1902 le responsable de la Poste d’Harar. En décembre 1903, nous savons par une carte postale qu’il adresse à son frère Fritz, lequel travaille pour le Téléphone à Berne, qu’il se fait envoyer du film et du papier photographiques. Ses cartes seront vendues à Harar, mais aussi à Djibouti.
Enfin, il faut encore mentionner deux autres séries qu’on peut rapprocher de cette production, qui s’intitulent « Djibouti » et « Souvenir de Djibouti » (dont Francis Falceto dénombre 3 et 6 cartes, respectivement).
Voici donc les 7 images de la série « Addis Ababa » :
Pour plus de détails sur la biographie de Jean Adolphe Michel, on se reportera à l’article d’Ulf J. Lindahl publié dans le Menelik’s Journal, Vol. 24, N° 4, oct-dec 2008. Je remercie Ulf pour son aide.
Très intéressant !
Pour la légende « Dance [sic] des tueurs d’éléphantes », tu as toi-même corrigé une faute de syntaxe, ce qui tend à indiquer que l’édition est l’œuvre d’un non-francophone ; la légende est « Dance [sic] des tueurs des (des au lieu de d’) éléphantes ».
Tu as raison, Serge. Je corrige.
Michel, selon Ulf Lindahl, parlait français (selon une observation extraite du journal « Djibouti ») mais il était germanophone, originaire de Thurgovie (Thurgau). Il est né le 15 janvier 1878 à Spitz-Romanshorn. Rien ne dit qu’il soit l’auteur des légendes, qui ont pu aussi être composées par l’éditeur, voire l’imprimeur. Une presse existait, installée à Harrar puis déplacée en 1908 à Diré-Daoua, qui appartenait à la mission des frères lazaristes. J’en ai parlé ici. Nous savons aussi que Mondon Vidailhet, qui fut le premier en charge d’un service postal (opéré peut-être depuis sa propre maison), avait fait installer une presse à Addis Abeba.